Parce que nous ne sommes pas QUE des photographes.
Le fameux stress du mariage.
Je me suis longtemps demandé, en tant que prestataire « neutre » d’où il pouvait provenir.
Lors de mes premiers mariages en tant que photographe, j’étais stressé parce que je débutais, j’avais peur de rater certains moments, de rendre de mauvaises photos.
Mais ce stress a disparu et heureusement, je n’ai jamais raté de moments et je ne crois pas avoir rendu de mauvaises photos.
Restait le stress de la mariée (et du marié qui n’est en absolument pas épargné)
J’ai donc cherché à comprendre et j’ai trouvé une réponse : Parce que.
Au bout de 90 mariages, c’est la seule réponse que je peux donner.
Le stress est un tout, il est formé de petits rien et de grandes choses qui vont de l’organisation, au choix de l’engagement pour la vie. Le terrain est vaste.
Lorsque des mariés choisissent de faire appel à une wedding planner, ils se déchargent d’une partie de ce stress qui se transmet de mères en filles, de pères en fils.
Mais qu’ils l’organisent seuls ou accompagnés, il est toujours là, soit il arrive tôt soit il se déclenche tard.
A force de photographier des mariages, je me suis rendu compte d’une chose : je suis le seul prestataire qui reste avec les mariés du début à la fin le jour J, parfois de très tôt le matin à très tard dans la nuit.
Une fois que j’ai compris ça, mon travail a pris un aspect différent. Je ne suis plus là que pour prendre des photos, même si c’est ce pourquoi on m’a engagé.
Le photographe est le lien entre chaque événement de la journée, il sait que très rares sont les fois où il se passe un incident, il sait par expérience que la mariée (plus que le marié, robe oblige) est la star de la journée avec tout ce que cela comporte de positif et de négatif ; Une mariée est extrêmement sollicité, elle va se faire coiffer, maquiller, elle va enfiler sa robe, on va l’aider, la mère, la belle-mère iront de leurs compliments, de leurs larmes versées, de leur stress légitime mais trop expressif parfois. La mariée est celle qui sera la plus regardée, où qu’elle aille, où qu’elle entre, mairie, église, salle de bal, elle sera observée, étudiée, épiée, on la prendra par la main sans qu’elle ne donne son avis pour poser avec de lointains cousins (je vous en conjure, n’invitez QUE des gens que vous aimez, c’est votre mariage et le « il faut inviter untel parce que … » ne doit pas exister) Elle saluera, remerciera, embrassera, sourira, marchera, posera, mangera parfois peu, ne boira pas assez d’eau et tout cela plusieurs fois dans la journée.
Le photographe doit être celui qui va l’accompagner, autrement.
Il s’agit de parler calmement, la rassurer sans l’agacer, lui dire que tout va bien se passer parce que c’est vrai, parce que ce n’est pas un examen, ce n’est pas un concours d’entrée à une grande école, c’est un moment intime qui touche une des choses les plus importante de nos vie, l’amour. Le stress c’est aussi ça et c’est nous qui devons le gérer.
Il m’est arrivé d’accompagner une mariée à l’église, parce qu’elle avait tout planifié sauf la voiture qui la déposerait à la cérémonie religieuse.
Il m’est arrivé de jouer le garde du corps, poli, mais ferme, quand les passants s’approchent de trop près d’une robe très blanche.
Il m’est arrivé de calmer une mariée terrifiée dans une voiture, nous y étions seuls et elle attendait le GO pour entrer dans l’église mais sentait son corps se dérober. Il fallait quelqu’un pour l’écouter, lui parler, la faire rire.
Il m’est arrivé de convenir d’un signal d’intervention pour sortir la mariée d’une conversation, d’une situation étouffante.
Il m’est arrivé de calmer des parents accablés par une mariée énervée par le mauvais temps et qui ne se rendait plus compte de l’intonation violente de sa voix.
Il m’est arrivé de transporter des chaises, des tables ou de devoir en trouver même si je ne suis pas là pour ça.
Il m’est arrivé de partir bien après l’heure prévue parce qu’il y a des choses qu’on ne peut pas manquer.
Il m’est arrivé de poser des voiles, de faire penser à prendre ce bouquet de la marié qu’on oublie souvent sur un coin de table, de lui apporter une bouteille d’eau, de lui tendre une cigarette, etc.…
Pourquoi ? Parce qu’à force d’être là tout au long de la journée, on devient un membre provisoire de la famille, du cercle d’ami, on est le plus proche, celui qui doit être le plus discret possible mais qui doit aussi se faire entendre au moment où il faut.
Le travail d’un photographe ne s’arrête plus aux photos et c’est tant mieux. Mon métier est plus humain que ça et il nécessite beaucoup d’implication, beaucoup plus qu’on ne l’imagine lorsqu’on le commence.
Il y a beaucoup de boulots qui me stressent dans ma vie de photographe mais suivre un mariage, jamais. Je vois ces visages heureux, ces émotions belles et touchantes, ces lieux souvent magnifiques, mon travail est de les fixer sur des photos et j’adore ça.
Si j’ai bien fait mon travail à la fin de la journée, c’est que j’aurai réussi à atténuer un peu de ce stress et de cette « colère » qui n’en est parfois que la manifestation logique.
Sylvain Norget